Un collectif de personnalités et de membres d’associations appelle le gouvernement à « des mesures concrètes » contre toutes les violences faites aux femmes, dotées du budget nécessaire pour une politique publique ambitieuse.
Tribune. Le 25 novembre, c’est la Journée internationale de lutte contre les violences masculines, et cette année encore, nous marcherons. Nous serons samedi 23 novembre à la marche organisée par le collectif #Noustoutes, à Paris et dans toute la France, pour crier notre colère contre l’impunité des hommes, coupables de violences contre les femmes et les filles.
Ce que nous voulons, c’est crier. Et dans ce cri, il y aura les cris des 94 000 femmes violées et les pleurs des 225 000 femmes victimes de violences conjugales chaque année en France. Et bien pire encore : au centre de ce cri, il y aura le son assourdissant du silence des 136 femmes déjà tuées en 2019, victimes de féminicides, et celui de toutes les femmes que les violences masculines ont détruites ou poussées au suicide.
Ce que nous voulons, c’est hurler. Et dans ce hurlement, il y aura la souffrance des 4 millions de femmes et hommes victimes d’inceste, il y aura le cri silencieux des 165 000 enfants violées chaque année en France, dans une quasi-totale impunité (0,4 % des violeurs pédocriminels, et 1 % des violeurs seront condamnés).
Ces chiffres ne sont pas que des statistiques, c’est un pouvoir réel, concret, des hommes sur les femmes. La domination masculine, ce sont les hommes qui considèrent, en tant que classe, avoir le droit de considérer les femmes et les enfants comme des objets, avoir le droit de se les approprier, de les frapper, de les violer, de les acheter et de les vendre. Les conséquences psychotraumatiques de ces violences sont aussi massives que l’impunité des hommes coupables.
Viols tarifés
« L’inceste est la filière de recrutement » de la prostitution, rappelait la féministe américaine Andrea Dworkin (42 % des femmes en prostitution sont des victimes de pédocriminels) ; parce qu’ayant subi des violences sexuelles, beaucoup de filles et de femmes sont contraintes à des mécanismes de dissociation psychotraumatique pour survivre et avoir l’impression de prendre le dessus. Lorsque des hommes imposent des actes sexuels à des filles et à des femmes, par l’emprise de l’argent, par la terreur des proxénètes et des pornocrates, ce ne sont rien d’autre que des viols tarifés.
La loi abolitionniste de 2016 qui dépénalise les personnes en prostitution, et qui renforce la lutte contre les proxénètes et les « clients » prostitueurs doit être appliquée partout en France. Le « consentement » ne devrait pas s’acheter, le désir et la volonté ne le peuvent jamais. Il ne peut y avoir de lutte efficace contre les violences sans dénoncer ce continuum des violences masculines.
Pourquoi est-ce si lent ? Les femmes n’ont pas le temps d’attendre. Nous voulons que le Grenelle contre les violences conjugales débouche sur des mesures concrètes, transversales à toutes les violences faites contre les femmes, et dotées du budget nécessaire. Nous voulons que la « grande cause du quinquennat » signifie politique publique ambitieuse, avec une méthode, des mesures, des moyens, ainsi qu’une évaluation systématique et transparente des dispositifs mis en place.
Contre toutes les violences masculines, contre toutes les violences, en particulier celles que commettent des hommes sur des femmes lesbiennes, des femmes victimes de racisme, des mères, des filles, des femmes parmi les plus précaires, des femmes en situation de handicap, pour l’universalité des droits fondamentaux des femmes, contre le système prostitueur et pornocriminel, nous marcherons le 23 novembre !
Tribune écrite par Céline Piques, parue dans le Monde le 19 novembre 2019
Cosignée par
Françoise Brié, directrice générale de la Fédération nationale solidarité femmes (FNSF)
Danielle Bousquet, présidente du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (2013-2019)
Catherine Coutelle, ancienne députée et ex-présidente de la délégation aux droits des femmes (2012-2017)
Christine Delphy, sociologue et directrice de recherches au CNRS
Marie-Hélène Franjou, présidente de l’Amicale du Nid
Catherine Morin Le Sec’h, membre de CQFD lesbiennes féministes
Maud Olivier, ex-députée rapporteuse de la loi de lutte contre le système prostitutionnel
Emmanuelle Piet, présidente du Collectif féministe contre le viol
Céline Piques, porte-parole d’Osez le féminisme !
Claire Quidet, porte-parole du Mouvement du Nid
Laurence Rossignol, sénatrice, ex-ministre des droits des femmes
Sabine Salmon, présidente de Femmes solidaires
Muriel Salmona, présidente de l’association Mémoire traumatique et victimologie
Inna Shevchenko, Femen
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